Exécution sur ordonnance

La mort de Philippe Henriot

« Tuer la voix de Vichy »

Paris, juin 1944. Tandis que les Alliés débarquent en Normandie, la Résistance française mène son opération la plus spectaculaire : l’élimination de Philippe Henriot, ministre de la Propagande du régime de Vichy. Chaque matin, sa voix emplit les ondes, appelant à la haine, au sursaut national, au combat contre les « traîtres » et les Juifs. Pour beaucoup, il est la dernière flamme d’un pouvoir aux abois. Pour la Résistance, il est devenu trop dangereux. Il faut le faire taire.

À la tête du commando : Charles Gonard, alias Morlot, fils de droite radicale, devenu chef militaire de l’ombre. À ses côtés, Jean Frydman, jeune juif rescapé, engagé dans la lutte clandestine. Deux hommes, deux trajectoires, un même objectif : neutraliser la voix du fascisme français.

En quelques minutes, l’opération est menée à bien. Henriot est exécuté dans sa chambre. Le choc est immense. La riposte est brutale. Vichy pleure un martyr, la Milice assassine Georges Mandel. Une prime colossale est lancée, une traque s’engage dans un Paris en pleine ébullition.

Note d’intention

Ce documentaire retrace les coulisses de cette mission hors norme : des salons feutrés de la propagande aux caves obscures de la Résistance, de l’idéologie à l’action armée. Grâce à des témoignages rares, notamment de Charles Gonard et Jean Frydman, filmés peu avant leur mort, l’histoire se révèle dans toute sa complexité.

Car au-delà du polar historique, c’est un face-à-face entre deux France que nous racontons : celle qui a basculé dans la collaboration, et celle qui a choisi la Résistance. Deux visions du monde, deux destins opposés, une lutte à mort.

À l’été 1944, une guerre civile se joue dans l’ombre de la Libération. Ce film en dévoile les visages.

 1. Un assassinat politique spectaculaire

  • Sujet central : L’exécution de Philippe Henriot, ministre de la Propagande de Vichy, par la Résistance le 28 juin 1944.
  • Un tournant dans la guerre psychologique entre Vichy et la Résistance, en pleine libération.

 2. Philippe Henriot, la voix du fascisme français

  • Ascension d’un idéologue : Petit professeur provincial devenu chef milicien, figure de la collaboration, orateur charismatique.
  • Propagande haineuse : Antisémitisme, anti-communiste, antirépublicanisme — il galvanise les derniers soutiens du régime de Vichy.
  • Influence sur l’opinion : Tellement puissant que Londres envoie ses agents sonder son impact en zone occupée.

 3. Une cible prioritaire pour la Résistance

  • L’ordre d’élimination : Suite à ce sondage accablant sur son influence, Henriot devient une priorité pour les services de De Gaulle.
  • Une opération clandestine d’envergure, à Paris, en plein cœur du pouvoir vichyste.

 4. Le commando : des destins croisés

  • Charles Gonard alias Morlot : Résistant issu de la droite nationaliste, bascule dans la lutte armée.
  • Jean Frydman : Jeune juif engagé, futur grand témoin — incarne une autre facette de la Résistance.
  • Contraste avec Henriot : Des hommes parfois issus des mêmes milieux idéologiques (droite catholique, nationaliste) qui ont pris des voies opposées.

 5. L’opération Morlot

  • Récit d’un attentat : Planification, infiltration, neutralisation des forces de sécurité, exécution ciblée.
  • Un acte chirurgical qui fait vaciller le régime de Vichy.

 6. Répercussions immédiates : deuil, terreur et vengeance

  • Obsèques nationales à Notre-Dame : Tentative de sacraliser Henriot.
  • Réaction brutale : La Milice assassine Georges Mandel en représailles.
  • Chasse à l’homme : Prime colossale, atmosphère de guerre civile dans un Paris en tension.

 7. Une enquête dans le Paris trouble de 1944

  • Milieux interlopes : Flics, miliciens, résistants, truands… un monde où les frontières entre bien et mal sont floues.
  • Suspense et tension : Le documentaire peut emprunter les codes du polar historique.

8. Deux trajectoires, deux France

  • Henriot / Gonard : Deux figures opposées issues de la même société, miroir d’un pays fracturé.
  • Comment la débâcle de 1940 a divisé des hommes aux idées proches en ennemis irréconciliables ?

 9. La parole des témoins

  • Entretiens filmés avec Charles Gonard et Jean Frydman (par Jorge Amat).
  • Une matière humaine unique : récit direct, incarné, sensible.

 10. Une réflexion sur le fascisme à la française

  • Qu’est-ce qui a permis son émergence ?
  • Comment des discours de peur et de haine ont-ils prospéré dans une société en crise ?
  • Et que nous disent-ils de notre rapport contemporain à la démocratie, à la résistance, à la propagande ?

Exécution sur ordonnance

MORT DE PHILIPPE HENRIOT

LE GOEBBELS FRANCAIS

Un projet documentaire de

CARL ADERHOLD & JORGE AMAT

Réalisé par

JORGE AMAT

Pitch

Les témoignages inédits de Morlot et Frydman, après soixante-dix ans de

silence, permettent, pour la première fois, de révéler un épisode méconnu et

jusqu’à ce jour irrésolu de la Résistance. L’ordre de De Gaulle de faire exécuter

les dirigeants du gouvernement de Pétain. C’est le point culminant d’une guerre

secrète que mène la Résistance Française contre la Milice Française devenue le

bras armé d’un régime aux abois.

1Jean Frydman Charles Gonard dit Morlot

Philippe Henriot avec Goebbels

Résumé

Le 28 juin 1944, à l’aube, Philippe Henriot, ministre de l’Information et de la

Propagande, l’homme le plus puissant du régime de Vichy après Pétain et Laval,

est exécuté à son ministère. La scène se déroule en plein Paris entre 5h30 et

5h43. Pourtant, le commando est reparti comme il est venu, sans témoin. Henriot

est le seul haut-dignitaire de Vichy avec l’Amiral Darlan à avoir être exécuté par

la Résistance.

Au lendemain de l’exécution, les murs de France sont placardés d’affiches : « Il

disait la vérité, ils l’ont tué ». Vichy organise les obsèques nationales à Notre-

Dame de Paris pour celui qui fut la « voix de la Collaboration ». Les représailles

sont violentes à la hauteur de la popularité de ce membre important de la Milice.

À Rennes, à Macon, à Lyon, plus d’une dizaine de personnes sont abattus par

des miliciens. Jean Zay et Georges Mandel sont enlevés et assassinés.

L’acte porte la marque de la Résistance, mais jamais les coupables n’ont été

arrêtés, jugés ni même identifiés. Cette opération est un mystère de l’histoire. À

quelques jours du débarquement et de la victoire alliée, pourquoi choisir

2d’éliminer cette figure éminente du régime de Pétain ? Que s’est-il passé cette

nuit-là ? Qui a véritablement commandité cette exécution ? Pourquoi a-t-elle

bouleversé le cours de l’histoire ?

Charles Gonard, dit Morlot, lui était là. À l’époque, il a 23 ans, il est chef de

groupe des FTP de la Résistance et c’est lui qui va tirer sur Henriot. Plus de 70

ans après cette nuit de 1944, pour la première fois, il parle et raconte cette

opération, l’une des plus marquantes de la Résistance. Il nous a confié son

témoignage inédit de même que Jean Frydman, membre de la logistique des

francs-tireurs à l’époque. Jean Frydman deviendra l’un des fondateurs

d’Europe 1, dirigera Télé Monte-Carlo et produira des documentaires sur la

Seconde Guerre mondiale, « Le Chagrin et la Pitié » de Max Ophüls et « De

Nuremberg à Nuremberg » de Frédéric Rossif.

S’ils ont gardé le silence aussi longtemps, c’est bien parce qu’il s’agissait d’une

opération secrète, les chefs se sont tus, ils ont suivi les ordres. C’est surtout

parce que les enjeux pour le contrôle de la France d’après-guerre étaient

décisifs.

Parler aurait mis au jour la guerre de pouvoir qui opposait le fragile

gouvernement de De Gaulle et la volonté des Alliés Anglo-Américains.

Ce film revient sur ce tournant historique, ces quelques secondes où tout à

basculé racontées par deux acteurs de premiers plans, Morlot et Frydman son

second. Grâce à leurs témoignages filmés, grâce aux images d’archives et au

procédé d’animation, nous plongeons, aux côtés de ces résistants, dans les

méandres de la plus intrépide des actions de la Résistance qui a changé le

rapport de force entre de Gaulle et les Alliés.

Moins de deux mois plus tard, quand Paris est libéré, de Gaulle avec l’appui des

FFI prend le pouvoir.

Note des auteurs

Qui a donné l’ordre de tuer Henriot ? Comment la Résistance a-t-elle pu mener à

bien une opération aussi délicate pour porter atteinte au plus haut sommet de

l’État vichyste ? En quoi cette opération était-elle aussi déterminante pour la

Résistance gaulliste ? Pourquoi une telle omerta par la suite ?

Nous nous sommes toujours questionnés sur cette opération qui demeure la

grande oubliée de l’histoire de la Résistance bien qu’il s’agisse d’une mission

déterminante. En effet, seuls deux dirigeants de Vichy ont été tués pendant la

guerre par la Résistance : l’amiral Darlan en 1942 et Philippe Henriot en 1944.

Pour Darlan, il s’agissait d’éliminer un rival dangereux qui venait de rallier les

Alliés et pouvait ravir à de Gaulle le leadership du futur gouvernement français

4après la Libération. Dans le cas de Philippe Henriot, les motivations s’avèrent

plus complexes encore.

L’intérêt principal de ce film est de faire la lumière sur cette opération l’une des

plus spectaculaire de la Résistance grâce à un témoin/acteur cléé. Jamais elle n’a

été racontée de l’intérieur. Il aura fallu attendre 70 ans pour que son organisateur

accepte de nous en parler.

Pour mettre au jour les dessous, nous avons rencontréé des historiens, dépouillé

les Archives nationales, les archives de la police et les archives des musées de la

Résistance. Surtout, Jorge Amat a filmé, quelques temps avant leur mort, deux

des principaux protagonistes de l’opération : Charles Gonard, dit Morlot, le chef

du commando et Jean Frydman qui a participé à sa préparation.

La richesse de ces témoignages inédits comme des documents et des points de

vue que nous avons rassemblés nous a permis de reconstituer précisément la

chronologie de cette opération qui relève du « secret d’État ». Acteurs et

commanditaires ont agi avec des faux noms et sans aucunes traces écrites.

Philippe Henriot – Un homme à abattre

L’ordre vient de Londres, du BCRA, le service d’action de la France libre, et au-

dessus de De Gaulle lui-même. Nous sommes en juin 1944, le débarquement est

en cours, la victoire alliée est en bonne voie. Pourtant la position de De Gaulle

n’est pas garantie. Winston Churchill et Franklin D. Roosevelt essayent de le

mettre de côté. En France, la guerre civile fait rage entre les miliciens et la

Résistance. Pour l’éviter, les Alliés veulent instaurer un gouvernement où les

anciens de Vichy côtoieraient les Gaullistes et, d’autre part, ils s’opposent à

toute épuration qui désorganiserait le pays. De Gaulle doit agir et vite pour

asseoir son autorité. Il est hors de question de ne pas punir les traîtres de Vichy.

L’exécution de l’homme le plus populaire et le plus dangereux du pays Philippe

Henriot servira de message à tous les politiques les plus engagés dans la

Collaboration.

Henriot est à cet instant de l’histoire le seul homme de Vichy réellement

populaire : il est la voix du régime, la voix du fascisme à la française, l’un des

propagandistes les plus connus du collaborationnisme en France.

Membre important de la Milice, il est devenu depuis janvier 1944 secrétaire

d’État à l’Information et à la Propagande du gouvernement Laval. Deux fois par

jour, il déverse sur Radio Paris sa haine des résistants qu’il traite de voyous, des

juifs et des « métèques » qu’il accuse de détruire la France, et il prône la

collaboration avec l’Allemagne. La radio est le principal média et des millions

de Français l’écoutent régulièrement.

Jouant sur la crainte des bombardements et des combats qui ne manqueront pas

de se produire avec le débarquement, il parvient à faire douter les indécis et à

maintenir dans une prudente neutralité la majorité silencieuse. En pleine guerre,

les services secrets gaullistes organisent un sondage en France pour connaître

5l’audience d’Henriot. 94% des sondés reconnaissent l’écouter ! Il faut se

débarrasser de celui que l’on surnomme « le Goebbels français ».

C’est dans ce contexte que l’opération de son enlèvement est organisée. Morlot

est nommé à la tête de ce commando. L’enlèvement va échouer, Henriot est

abattu selon les ordres. En représailles, la Milice se livre à des exactions

meurtrières dans tout le pays.

70 ans de « secret d’État »

Dès 1945, avec la prise du pouvoir par de Gaulle, la situation change. Les

anciens amis d’Henriot sont jugés et fusillés. L’exécution d’Henriot gêne les

nouveaux dirigeants. Ils ne tiennent pas à mettre en avant cette exécution sans

procès, qui plus est d’un homme très populaire auprès des Français. Le silence

se fait d’autant plus lourd que le conflit entre de Gaulle et les Alliés doit être

gommé dans l’euphorie de la Libération. Par cette opération, de Gaulle a montré

non seulement sa détermination à conduire l’épuration comme il l’entend, mais

aussi son indépendance vis-à-vis des Alliés.

Professionnels engagés dans des actions secrètes et tenus par le secret militaire,

Morlot et Frydman n’ont jamais parlé. Après 1945, tous les deux ont quitté

l’armée et refait leurs vies dans le civil. Durant les années d’après-guerre,

Morlot a dû faire face au mépris, voire à l’hostilité de nombre de gens. Parler de

cette affaire, de ceux qui y ont participé pouvait s’avérer dangereux dans les

années 1945-1960. Ainsi, le réalisateur d’une émission de radio consacrée à

l’exécution d’Henriot en 1946 est attaqué par de mystérieux agresseurs. Chaque

année, des messes commémoratives de la mort d’Henriot ont donné lieu à des

affrontements violents.

Même au sein de la Résistance, il s’est heurté à la gêne des dirigeants gaullistes :

dans un premier temps, de Gaulle refuse que Morlot devienne compagnon de la

Libération. Il ne fallait pas ranimer le spectre de la guerre civile entretenue par

les fascistes français ni même risquer de voir le nom de De Gaulle associé à

cette opération.

Morlot comme Frydman ont accepté de raconter cet épisode 70 ans après, une

fois leurs chefs disparus, une fois que la Grande chancellerie de la Légion

d’honneur les a autorisés à le faire.

À travers leurs deux témoignages inédits, l’enjeu est de raconter cette opération

de l’intérieur de leur point de vue. Comment en sont-ils arrivés à ce face-à-face

Morlot/ Henriot ? Qu’est-ce qui a permis, motivé, suscité ces 13 minutes de

confrontation, ce coup de feu entre 5h30 et 5h43 ce 28 juin 1944 ?

Un tel décryptage mérite de remonter le temps. Nous suivrons donc le parcours

de Morlot issu d’une famille aux idées pétainistes, proche en 1940, de la vision

d’Henriot. Comment, à partir d’un même patriotisme, l’un Henriot, député

catholique en fin de course avant- guerre a pu glisser vers le fascisme et en

devenir un de ses principaux leaders ? Comment Morlot a, lui, choisi la

6Résistance qui l’a amené à organiser méthodiquement cette préparation

déterminante ?

Henriot bureau

Note d’intentions de réalisation

Structure du récit : un thriller historique

Le parti pris est de raconter cette opération à la manière d’un thriller, d’une

enquête policière. La scène de crime est le point de départ. Dès lors, nous

n’aurons cesse de remonter le temps progressivement et de revenir sur les

origines de Morlot, Frydman et Henriot. L’enjeu : comprendre comment ils en

sont arrivés là.

Au fur et à mesure, les coulisses de l’opération, ses détails concrets (qui ?

comment ? combien d’hommes ? quels profils ? le choix de l’heure, des armes,

le procédé, la première tentative échouée, l’enlèvement qui se transforme en

exécution, …), les motivations qui la provoquent s’étofferont et nous permettront

7de comprendre la scène et sa portée. Notamment, les questions de pouvoir au

sein de la France libre et de ses relations avec les Alliés. Comment celles-ci

indirectement vont sceller le destin des trois hommes ; l’enquête de la police

collaborationniste en pleine Libération ; la surprenante nature des hommes qui

composent le commando parmi lequel des policiers et des truands ; comment

Morlot a échappé à la police et surtout à la Milice ceci sur fond de guerre civile

qui déchire le pays.

Narration et point de vue incarné

La partie la plus forte et totalement inédite du documentaire repose sur les

témoignages de ces deux protagonistes et témoins de l’action qui s’expriment

pour la première fois : Charles Gonard et Jean Frydman (déjàà filmés). Au

maximum, le récit sera pris en charge par ces témoins clés. Ils interviendront en

in et en off, mais pas seulement.

La voix de comédiens jeunes, de l’âge que Gonard et Frydman avaient au

moment de la guerre, pourront interpréter et prendre le relais à la première

personne pour une immersion totale au moment de l’action. Ces récits dits par

des comédiens aujourd’hui seront fondés sur les témoignages et les nombreux

documents que nous avons explorés. (cf. scénario du documentaire).

Cette narration incarnée n’empêchera pas la présence d’une voix commentaire.

Elle permettra d’apporter les informations de contexte indispensables au récit,

de réaliser des ellipses temporelles et de prendre en charge le parcours de

Philippe Henriot.

Archives d’époque et séquences graphiques

Pour traverser cette histoire, nous disposons de nombreuses archives.

La trajectoire d’Henriot : nous allons utiliser les riches et peu connues archives

des actualités françaises de l’époque, notamment celles où il parle en direct lors

de meetings et des interviews.

Les parcours de Gonard et Frydman : nous disposons de leurs archives

personnelles qui permettent de raconter leur trajectoire. Toutefois, une grande

partie de l’opération secrète n’a bien entendu pas été filmée. Pour mettre en

image ces coulisses, nous souhaitons avoir recours à un procédé graphique,

dessins où reconstitutions nous allons les suivre jeunes dans les actions et décors

de l’époque. (cf. moodboard)

Nous souhaitons aussi faire appel au dessinateur Bertail pour des séquences

animées composites. Pour soutenir les séquences intimes dont seuls nos

personnages ont été témoin, il s’agit de réaliser des séquences composées

d’images d’archives + dessins.

L’enquête

La situation politique, l’occupation, la montée en puissance de la milice et

d’Henriot et les répercussions de l’exécution d’Henriot seront montrées à travers

8les documents inédits trouvés dans les archives de la police et aux archives de la

Résistance. Pour comprendre les multitudes des mouvements d’opposition à

l’occupant nous allons piocher dans d’autres entretiens inédits que Jorge Amat a

fait avec les résistants : Kriegel-Valrimont, Serge Ravanel, Stéphane Hessel et

Pierre Daix.

MOODBOARD

9Proposition de structure documentaire

Ceci est une proposition de découpage dans laquelle sont intégrés des extraits

des témoignages inédits de Morlot et de Frydman.

UNE EXECUTION

Paris, le 28 juin 1944

A 5h 30 du matin, trois tractions Citroën noires se garent devant le 10 rue de

Solferino à Paris, le siège du ministère de l’Information et de la Propagande.

C’est la nuit, l’image commence par un plan large, vue aérienne du pâté de

maisons pour s’arrêter, en plongée sur la porte de la voiture qui s’ouvre.

Montage d’images rapides qui nous permettent de plonger dans l’époque du

Paris occupé et de l’action qui va suivre.

MORLOT

« Nous sommes arrivés, nous étions une quinzaine dans trois voitures, les

agents en faction se sont laissé désarmer facilement. »

Un commando de seize membres en descend. La bande son est très présente et

souligne l’action qui n’est illustrée qu’en gros plans et en contre-jour. On voit

des détails, les pistolets, les portes qui s’ouvrent… pas de visages encore.

MORLOT

« J’ai pu entrer dans le ministère avec un autre groupe franc, monter au

premier étage où il se trouvait. Heureusement le garde du corps n’était pas

là. C’est comme ça que j’ai pu entrer dans sa chambre. »

Une carte d’identité glissée sous une porte. Des cris, une bousculade, des gros

plans de visages en contrejour criant. Un coup de feu.

MORLOT

« Je me suis fait ouvrir la porte en glissant par-dessous une fausse carte de

milicien, lui disant que nous étions là pour le protéger. Il m’a ouvert. J’ai

essayé de lui expliquer qu’on voulait l’enlever, mais pas le tuer. Sa femme

qui était là s’est mise à hurler en voyant nos mitraillettes et nos revolvers. »

A ce stade, aucun nom n’a encore été mentionné. Après le coup de feu. Flash au

noir.

10Apparition du corps d’Henriot à la cathédrale Notre-Dame de Paris. Et sur les

murs placardée, l’Affiche Henriot : « Ils l’ont tué, il disait la vérité ! ».

Sur ces images de funérailles, la voix-off prend le relais :

Pourquoi a-t-il été exécuté, qui a donné les ordres ? Pourquoi maintenant ? Qui

sont les membres du commando ? Quelles sont les conséquences de cette

action ?

(Images d’archives avec des photos des personnages jeunes)

Henriot, le fasciste désemparé : député depuis 1932, membre de l’extrême

droite, il vit la débâcle et le début de l’Occupation comme la fin de ses

ambitions politiques. Selon lui, il faut accepter la défaite et placer ses espoirs

dans le maréchal Pétain pour réformer la France.

Philippe Henriot, Pierre Laval

En moins de quatre années d’Occupation, il connaît une ascension fulgurante. Il

devient l’un des chefs de la Milice, le ministre de la Propagande et de

l’Information de Vichy et l’un des plus ardents collaborationnistes.

Il est désormais l’homme le plus populaire de la France fasciste, grâce à ses

talents d’orateur. Véritable « star » des médias, surnommé le « Goebbels

français », il donne sa vision de l’actualité matin et soir sur toutes les radios

officielles. Ses diatribes contre les résistants, les « métèques », les Juifs, les

communistes sont écoutées par des millions de Français. Il parvient à ébranler

les indécis, à gagner la majorité silencieuse, à ranimer les énergies des durs du

régime.

Les services secrets de De Gaulle n’hésitent pas à organiser un sondage en

pleine France occupée pour connaître l’influence d’Henriot sur l’opinion. Les

résultats sont accablants : 94% des sondés l’écoutent !

11Pour Londres comme pour la Résistance, il représente une menace. Il faut

l’abattre ! Mais qui a donné l’ordre ? La Résistance intérieure qu’Henriot

attaque chaque jour dans ses éditoriaux, les traitant de voyous et de lâches,

appelant la Milice à les tuer ? Londres et le BCRA, le service de renseignement

et d’actions clandestines de la France libre dont les contacts en France

rapportent le danger que constitue Henriot ? De Gaulle dont l’autorité est

contestée par les Anglais et les Américains qui cherchent à s’entendre avec

Vichy pour gouverner la France après la Libération ? L’exécution des chefs de

Vichy, Laval, Darnand le chef de la Milice ou d’Henriot le propagandiste écouté

serait pour lui le moyen de faire un exemple, d’asseoir son autorité.

En ce printemps 1944, ce sont deux France irréconciliables qui s’affrontent.

Montage rapide illustrant la situation du front et de la débâcle (Dunkerque,

bombardements exode…)

JUIN 1940

Charles Gonard, âgé de 22 ans, ne sait pas encore qu’il va jouer un rôle cléé dans

la Résistance. Qui est-il ? Comment s’est-il retrouvé engagé dans les groupes

francs alors que son milieu familial ne l’y prédestinait ?

Lorsque la guerre puis l’occupation démarre, son père partage cette confiance

dans le nouveau régime.

MORLOT vieux en ITV – la voix se rajeunit et transition en OFF :

« Mon père était d’une famille bourgeoise ayant adhéré aux Croix de feu,

une ligue d’extrême droite. Il n’est pas resté longtemps maréchaliste, mais

il l’est resté quand même plus ou moins… Quand Pétain a remplacé la

devise de la République Liberté Égalité Fraternité par Travail, famille,

patrie, Je vois mon père disant : « Liberté, Égalité, Fraternité c’est une

utopie, tandis que le Travail on sait ce que c’est, la Famille on sait ce que

c’est, et la Patrie c’est notre patrie… »

« Travail, famille, patrie » c’est la devise des Croix-de-feu dont Henriot, comme

le père de Gonard avant-guerre étaient membres.

Mais pour le fils, Charles, il faut rejoindre de Gaulle.

Archives filmées avec les recrues qui défilent devant de Gaulle à Londres.

MORLOT

« Ma vie a été pendant cette période une série d’échecs : je m’explique. Je

n’étais pas encore militaire, loin de là puisque j’avais à peine 18 ans.

12Une de mes sœurs, qui m’avait précédéé – j’étais à Nîmes – m’a fait savoir

qu’elle avait trouvé le moyen de partir à Londres sur un bateau qui

transportait une légion polonaise. Si drôle que ça puisse paraître, nous

n’avons pu rejoindre le bateau à l’heure voulue à cause d’une crevaison

d’un autocar qui nous a retardés de deux heures ; quand on est arrivés le

bateau était parti. »

Archives Marseille port 1940

Jean Frydman, autre membre du futur commando, lui, a 15 ans quand il rejoint

la Résistance. Dans son milieu, ce qui prime, c’est la défense de la République,

celle qui a accueilli dans les années 30 ses parents, Juifs originaires de Pologne

et leur a permis de s’intégrer.

Archives Belleville 1940.

FRYDMAN vieux (passage au jeune)

« J’habitais avec mes parents et la rumeur court que le 14 juin les

Allemands vont arriver. Il suffisait de parcourir la rue de Belleville pour

aller à la porte des Lilas. J’y vais et je vois arriver l’armée allemande et ça

me rend fou de rage, d’abord parce que les gens qui étaient sur la place ne

manifestaient rien alors que je considérais que c’était l’horreur, c’était le

début de la fin de la France, c’était l’arrivée du fascisme. Donc j’ai décidéé

de faire quelque chose. »

Archives entrée des Allemands dans Paris. 14 Juin 1940

13Dès le 11 novembre 1940, bien que très jeune, il défile aux côtés des étudiants à

Paris lors de la manifestation commémorant la victoire lors de la Première

Guerre mondiale.

Archives manifestation d’étudiants à Paris le 11 novembre 1940.

ITV Pierre Daix dans la cour du Lycée Henry IV sur cette manifestation.

(Archive)

FRYDMAN jeune

« La rumeur court chez les étudiants qu’il va y avoir une manifestation, je

décide d’y aller. J’ai été arrêté, interrogé par les Allemands. Ils ont pris

mon identité et le lendemain matin ils m’ont libéré. Donc je sais que je suis

fiché. Je décide de rejoindre de Gaulle en passant par l’Espagne. Je vole

dans les poches de mon père, je laisse une lettre pour expliquer pourquoi je

pars. J’avais repéré un endroit dans le Poitou, pour franchir la ligne de

démarcation. Y a un poste de garde allemand. Ils ne me posent pas de

question : j’ai l’air d’un gamin qui peut passer… J’arrive à Pau, et je décide

que le soir de Noël, je vais passer la frontière parce que ça ne sera pas

gardé. J’arrive devant la frontière, je passe à côté d’une guérite, et

brusquement une grosse voix dit “Alors jeune homme, où on va ?” Ce sont

les gendarmes. Ils me ramènent à Pau où je reste deux semaines en

prison. »

Pour Charles Gonard, le fils de grands bourgeois protestants et pour Jean

Frydman le fils de petits commerçants juifs de Belleville, être patriote impose de

refuser la défaite.

L’HEURE DES CHOIX

Avec l’entrée en guerre des Allemands contre l’URSS de Staline en 1941,

Henriot décide de s’engager dans la défense de la Collaboration. Journaliste à

Gringoire, il se fait le chantre de l’antibolchevisme et se rapproche des sphères

dirigeantes de Vichy. Son ascension commence.

Archive vidéo : 1941 le gouvernement français forme une Légion des

volontaires français contre le bolchevisme pour combattre sur le front soviétique

aux côtés des Allemands. Journal des actualités mondiales.

Discours de Laval le 22 juin 1942 : « Je souhaite la victoire de l’Allemagne »

A Londres, de Gaulle doit faire face à l’hostilité des Alliés. Pour assoir son

autorité, il a besoin du soutien de la Résistance intérieure.

14Ordre de mission le 3 novembre 1941 de De Gaulle à Jean Moulin pour

organiser des sabotages.

Faute d’avoir pu rejoindre Londres, Morlot et Frydman s’engagent dans la

Résistance et cherchent au plus vite à participer à des actions violentes. Pour

Morlot, ce sera Combat.

MORLOT

« Fin 1941, je suis au lycée à Marseille. Un midi, je déjeune au restaurant

avec cinq camarades. On discute, chacun clame son envie de lutter contre

les Allemands. Il y a une femme à la table d’à côté. Elle nous dit : il y a

moyen d’agir. Elle nous présente son mari Henri Aubry qui est un membre

de Combat. Je lui dis que je veux me battre. Il me répond que ça viendra. Je

me suis retrouvé à diffuser des tracts et des journaux, ou la nuit à écrire sur

les murs : “Ne partez pas travailler en Allemagne”. Une nuit, des agents

nous ont fait la chasse. Mais on a réussi à leur échapper. »

Archives photos Marseille 1940, Henri Aubry, journal Combat.

15Frydman, lui fait de la Résistance à Nice, mais en 1942, les mesures restrictives

à l’encontre des Juifs s’accumulent.

FRYDMAN jeune

« J’apprends qu’il va y avoir une grande rafle contre les juifs à Paris. Je

pars à Paris. Pour la première fois je revois mes parents, je leur explique

qu’il faut qu’ils s’en aillent ; ils ne me croient pas, ils se demandent

comment je peux le savoir. Ils connaissaient un commissaire de police. Je

suis allé le chercher. Il leur dit que c’est la vérité. Il a vu passer des listes de

personnes à arrêter. Mes parents acceptent de me suivre. On passe la ligne

de démarcation, on arrive en Creuse. Le commissaire nous a donné

l’adresse de sa sœur qui habite là-bas. Elle nous a aidé. »

Archives photos rafle 16-17 juillet 42.

Pour Frydman, c’est le début d’un nouveau combat. Il rejoint l’un des premiers

maquis, dans la Creuse.

FRYDMAN jeune

« Je participe à la destruction de quatorze trains. On est tout près de la ligne

Paris-Toulouse, énormément de trains circulent. On fait sauter les batteuses

pour que le blé ne soit pas emmené en Allemagne… Les FTP à ce moment-

là sont beaucoup mieux organisés, plus décidés à faire des choses

sérieuses. »

Archives photos résistants Toulouse, Trains déraillés. Presse La Dépêche de

Toulouse

Henriot est l’étoile montante de Vichy. Il commence ses chroniques à la radio

d’État et développe sa vision antimaçonnique, anticommuniste et antisémite. Il

dénonce sans cesse ceux qu’ils jugent responsables de la défaite. Il vise en

particulier Jean Zay le ministre de l’Éducation du Front populaire coupable

selon lui d’avoir jeté la France dans une guerre contre l’Allemagne alors que le

pays n’était pas préparé.

En janvier 1943 la Milice est créée par Joseph Darnand. Henriot s’y engage

aussitôt et devient l’un de ses chefs.

Archives sonores : propagande Vichy pour la Relève en Allemagne 1942.

Vidéo : Régime de Vichy et le travail (La France en Marche, film de

propagande)

16Vidéo Journal France actualité 24 décembre 1943 : Réunion anti bolchevique au

Vel d’hiv avec Joseph Darnand, Henriot.

Philippe Henriot : « Les hommes sans honneur qui s’en sont allés à Londres

pour vous exciter au meurtre, à la vengeance, à la haine entre Français, sont les

fourriers de la guerre civile…Vous n’avez donc pas compris que cette radio

anglaise en français, c’est une entreprise montée par des fripouilles à l’usage

des imbéciles… Les anglophiles ne sont pas tous des salauds mais tous les

salauds sont des anglophiles ».

24 mai 1942, De Gaulle s’entretient avec Molotov, le ministre des Affaires

étrangères de l’URSS pour que les Soviétiques soutiennent le ralliement de la

Résistance communiste très active en France, à la réunion de toutes les forces

résistances sous l’autorité de De Gaulle. De leur côté, Frydman et Morlot sont

désormais des membres actifs de la Résistance armée.

MORLOT

« Quand on passe dans la clandestinité, il faut des faux-papiers. À cause de

mon âge, je risque d’être envoyé en Allemagne pour travailler. Je suis allé

voir une doctoresse dont je connaissais les sentiments, je lui ai dit : “Faites-

moi un certificat comme quoi je suis vraiment très malade.” Alors elle a

réfléchi : “Je vais dire que vous êtes syphilitique” … Dans la Résistance,

j’ai pris le nom de Morlot, le nom de jeune fille de mon arrière-grand-mère.

Au printemps 1943, j’ai rencontré Ravanel qui m’a nommé à la tête des

groupes francs du Sud-Est. Dans mon nouveau rôle, je devais apprendre à

des types à se servir de mitraillettes que je n’avais jamais appris à manier.

J’avais quelques notions. De l’explosif aussi… et j’ai bien failli sauter avec,

une fois ! Après Ravanel m’a dit on a besoin de toi à Paris pour diriger les

groupes francs au niveau national. C’était une responsabilitéé lourde pour

mon âge, mais il fallait le faire. »

Archives : photos Ravanel, Nice 1943, Maquis instruction des mitraillettes.

17À Paris, Morlot croise la route de Jean Frydman. Il a quitté le maquis de la

Creuse pour tenter de rejoindre le groupe de Morlot.

MORLOT

« Ce n’est pas vrai, ils engagent des boy-scouts maintenant. »

FRYDMAN

1940 ! »

« J’étais probablement dans la Résistance avant vous ! Dès le 11 novembre

MORLOT

« Tu ne te laisses pas démonter… »

FRYDMAN

d’explosifs… »

« Je ne suis pas un boy-scout ! Je sais me servir des armes, je sais me servir

MORLOT

« Ok, on va essayer… »

FRYDMAN

« J’ai 18 ans et me voilà à Paris au milieu du groupe qui est le groupe

numéro 1 de l’action résistance. Morlot est un chef formidable. On est une

trentaine. On nous demande de faire sauter les deux usines qui fabriquaient

des roulements à bille – je ne savais pas jusque-làà que les roulements à bille

étaient extrêmement stratégiques pendant une guerre. »

18Archives Paris sous l’Occupation.

30 mai 1943, de Gaulle arrive à Alger pour empêcher le général Giraud soutenu

par les Américains de prendre la tête du gouvernement français en exil.

L’HOMME A ABATTRE

Ensemble Morlot et Frydman multiplient les actions contre l’occupant.

MORLOT

« Des gestapistes avaient l’habitude de se réunir dans un bar privé, rue

Fontaine, près de Pigalle, pour boire quelques verres.

Ils pensaient qu’ils ne pouvaient pas être repérés, mais ces messieurs

avaient de fréquents contacts avec les gens du milieu, qui aiment souvent

faire état de leurs relations. Nous fûmes informés. »

FRYDMAN

« Morlot et son adjoint Michel entrent. Il y a un seul gardien. Ils ne

s’attendent pas du tout à ce qu’on vienne les attaquer. Ils descendent le

garde. Ils sont sur le palier au-dessus de la boite de nuit, ils balancent des

grenades. Pendant ce temps-là, dans la rue, on arrache les soupiraux et on

balance des grenades. On remonte en voiture, impeccable. Les dégâts ont

été considérables pour la Gestapo. »

Illustration dessin de l’action

Leur audace est de plus en plus grande. Parmi leur coup d’éclat, la destruction

des fichiers du STO à Versailles qui évite à des dizaines de milliers de jeunes de

19partir en Allemagne. Quelques semaines plus tard, le 2 juin 1944, ils réussissent

un nouveau coup d’éclat : l’évasion d’un des chefs de la Résistance, Jean-Pierre

Lévy, emprisonné à la Santé.

MORLOT

« Avec le docteur de la Santé, il est convenu qu’au jour J, Jean-Pierre Levy

se plaindra de maux de ventre, et que le médecin diagnostiquera une crise

d’appendicite aiguë et le fera transférer à Fresnes par le “panier à salade”.

On connait son itinéraire. À l’endroit prévu, on bloque le fourgon. On fait

comprendre aux gendarmes que nous sommes bien armés. J’enlève ses

menottes à Jean-Pierre et on repart sous les applaudissements de la foule. »

Photos / Jean Pierre Levy prison de la Santé

Pour eux, l’ennemi est à la fois l’Allemand mais aussi le Vichyste.

Vidéo France actualité 04 02 44 discours d’Henriot à Lille. « Pas des patriotes

parce que nous acceptons la politique de collaboration avec l’Allemagne, parce

que nous pensons qu’il y a là une opération européenne indispensable. »

MORLOT

« Quitte à vous choquer j’ai eu à tirer sur les Allemands quelques fois, mais

je suis beaucoup plus heureux de descendre des Français car ce sont des

salauds. Les Miliciens et les collabos. Pour Cosinus, le traitre qui a donné

un réseau, aucun regret. La première voiture lui a tiré dessus. Je vois qu’il

est grièvement blessé. Je l’abats d’une rafale de mitraillette. Si on veut faire

quelque chose, il faut avoir le courage de se salir les mains. »

Dessins illustrant les actions

20L’heure d’Henriot semble enfin arrivée. Les Allemands imposent sa nomination

dans le nouveau gouvernement dirigé par Laval. Henriot devient ministre de la

propagande et de l’information. Deux fois par jour il parle à la radio. Des

millions de Français l’écoutent.

Henriot fait un reportage lors de l’attaque par les Allemands et la Milice du

maquis des Glières : « Une journée lumineuse et limpide, un clair et tiède soleil

annonciateur d’un tardif printemps, des vallées où chantent des torrents — c’est

dans ce décor de paix que tout cet après-midi j’ai circulé. On a pu voir les

prisonniers faits par les forces du Maintien de l’ordre. Je les ai interrogés.

D’une voix molle, traînante, certains disent avec un regard fuyant : « Tiré ?

Nous ?

Mais nous ne sommes pas des bandits. » […] Quand je les regardais et que je

les entendais, je souffrais. J’aurais voulu trouver des hommes. J’ai trouvé des

loques. Je le dis comme je l’ai vu. »

Archive vidéo réunion de travail Laval Pétain

Vidéo France actualité 21 04 44 discours d’Henriot sur les images de Paris et

Rouen bombardés.

L’ORDRE EST DONNÉ

Le 15 mai 1944, le Comité militaire de la Résistance, le COMAC, se réunit

secrètement dans un appartement de la place des Vosges.

Les trois chefs Kriegel-Valrimont, Vaillant et Villon font un tour de table. Après

les multiples échecs de la Résistance (capture de Jean Moulin, exécution du

groupe Manouchian) il faut réagir.

Un débat s’établit entre eux. La conclusion, il faut frapper un grand coup en

visant les dirigeants de Vichy, Laval, Darnand et Henriot.

Photos des membres du Comac, des appartements Place des Vosges. Plans

subjectifs de l’action.

L’un des membres du COMAC informe les autres qu’il a reçu un câble du

BCRA, le service d’action de l’Allemagne libre. Ils sont OK pour cette

opération. Les Résistants savent ce que cela veut dire : derrière le BCRA, il y a

de Gaulle. Le feu vert vient donc du sommet.

21De Gaulle est en lutte contre les Américains et les Anglais qui ne veulent pas

entendre parler d’épuration. Éliminer les dirigeants de Vichy est pour le général

un moyen d’affirmer son autorité envers les Alliés avant que ne démarre le

débarquement et la libération de l’Allemagne.

Mais c’est aussi un message envoyé aux élites françaises qui tardent à se rallier à

la Résistance. Il n’y aura pas de pitié pour les traitres. De Gaulle refuse une

épuration massive comme le veulent certains dont les communistes, mais des

exemples qui frappent l’opinion et montrent que le futur gouvernement tourne la

page de Vichy.

Archives vidéo de Gaulle avec Roosevelt et avec Churchill.

Ravanel donne l’ordre de commencer l’opération d’enlèvement.

UNE PREPATION MINUTIEUSE DE L’OPERATION

Morlot est chargé de mener ces opérations.

MORLOT

« Sans la Milice, la Gestapo aurait été beaucoup moins dangereuse. Très

vite cependant nous avons compris que les miliciens n’étaient souvent que

de pauvres types, influencés par la propagande de « l’État français », par

leurs chefs, et qu’il fallait frapper plus haut. Nous avions appris, début

1944, que Darnand comme Henriot avaient été nommés ministres de Vichy

sur une injonction allemande. Aussi, je ne suis nullement surpris quand me

parvient l’ordre de tout faire pour les exécuter. »

Il échoue de peu à exécuter Darnand, sauvé par la foule qui l’entoure, gare

d’Austerlitz.

22Joseph Darnand

MORLOT

« J’ai préparé l’opération à la gare d’Austerlitz. Darnand débarque d’un

train, on l’attend dans le hall, mais au moment où ça aurait pu se faire, il est

entouréé par une multitude de gens et comme on ne peut faire qu’une

attaque à la grenade, je risque de faire un bain de sang, ce que je ne veux

pas. »

Illustration avec des images d’archives et montage des résistants regardant

Darnand dans la foule, mélangées avec des images de la gare d’Austerlitz 1944.

L’ascension d’Henriot semble irrésistible. Son immense popularité fait de lui le

nouvel homme fort de Vichy. On parle de lui comme du prochain chef du

gouvernement de Vichy.

Réunion qui décide alors de préparer l’opération contre Henriot.

MORLOT

« Il faut mettre Henriot hors d’état de nuire. C’est un homme avec un talent

étonnant, au service d’une mauvaise cause. Un grand orateur. Je ne l’écoute

jamais mais je vois que les gens sont très influencés par ses discours.

Même ceux qui disent : “nous sommes pour la Résistance” et qui écoutent

Henriot. »

Morlot selon les ordres commence par recruter le commando qui attaquera le

ministère. Parmi eux, il recrute des policiers et des… voyous.

23MORLOT

« Ce sont des professionnels, des hommes qui savent se servir d’une arme

et qui n’hésitent pas à en faire usage. Ils sont habitués à ce genre d’action

violente, ils ne paniquent pas. Et puis policiers et voyous sentent le vent

tourner, l’Allemagne sera bientôt battue. Alors pour eux, rallier la

Résistance, c’est un bon moyen de se retrouver du côté des vainqueurs. A

nous de savoir les utiliser. »

Avant-guerre, le bâtiment appartenait à Fédération générale des fonctionnaires.

Le fils de l’ancien directeur fournit à Morlot le plan de l’immeuble. Surtout il le

met en contact avec le concierge qui accepte d’aider la Résistance. Son rôle est

crucial. Il doit prévenir les résistants lorsqu’Henriot est présent au ministère. Le

plus souvent en effet, le ministre est à Vichy.

MORLOT

« Quelques jours plus tard, je reviens avec des renseignements fournis par

le concierge. Grâce à lui, je connais le nombre de policiers réquisitionnés

quand Henriot est là et l’itinéraire de leur ronde. Il m’apprend aussi que

deux vigiles s’occupent de l’entrée rue de l’Université. Surtout, le

concierge détient une information cruciale : il peut me prévenir quand

Henriot sera au ministère. Mais il faudra réagir vite car le plus souvent, il

ne fait qu’y passer en coup de vent. »

La Milice instaure des tribunaux spéciaux qui ne connaissent qu’une seule

sentence : tout accusé est condamné à mort.

Archive radio : Mai 1944 Henriot s’adresse aux Résistants à Radio Paris.

« Le terrorisme, qui s’était arrogé le droit de disposer de la vie et des biens des

Français, vient de voir se dresser devant ses desseins criminels un barrage

implacable. L’institution de cours martiales, la proclamation que quiconque

aura donné ou voulu donner la mort sera puni de mort, il y a longtemps que

certains réclamaient ces mesures devenues non des mesures de représailles,

mais simplement des mesures de légitime défense. »

Un débat s’élève entre les Résistants : faut-il tuer Henriot ou bien l’enlever et le

juger à Alger ?

MORLOT

24« Kriegel-Valrimont m’avait dit : il n’y a pas d’échec possible. Plutôt que

de rater l’opération, il vaudra mieux l’abattre…Mais moi je préférais la

solution de l’enlever et de le faire juger. J’ai trouvé une villa à

Franconville, assez isolée pour que notre arrivée, prévue vers six heures du

matin, puisse passer inaperçue On a vu sa cave, on l’a étudié et on a conclu

que ça pouvait être une prison pour garder Henriot quelques jours. Le

délégué militaire régional est d’accord pour assurer son transfert à Londres

mais il n’y croit pas trop. Il m’a dit : “Si vraiment vous réussissez et que

vous l’enfermez, je ne peux pas vous dire si ce sera deux jours après, trois

jours après, huit jours après ou quinze jours, ça dépendra des conditions de

vol de ces avions. »

L’ENLEVER OU LE TUER ?

Frydman partisan de l’enlèvement tente de mettre sur pied l’organisation

nécessaire pour planquer Henriot avant qu’un avion anglais vienne le chercher.

FRYDMAN

« Moi aussi je suis pour l’enlèvement. Alors je vais dans la Creuse, voir

mes copains du maquis. Ils sont trois, on se donne rendez-vous dans un

champ, je leur dis de quoi il s’agit. Je veux qu’ils me prêtent leur camion

frigorifique qui transporte de la viande. Entre les conducteurs et la partie

avec les animaux pendus, il y a un petit espace où on peut se cacher. Ils

discutent. Ce sont des FTP, de vrais communistes, et l’idée que c’est un

mouvement gaulliste qui mène l’opération leur pose problème. Mon copain

me dit : “On va réfléchir, tu reviens dans 48 heures.” Je reviens au rendez-

vous au bout de 48 heures et là, ils me disent : “Ça ne marche pas, le

camion n’a plus d’Ausweis pour pouvoir aller à Paris.” J’ai le cœur serré

parce que j’étais tellement convaincu par cette idée. »

25Henriot s’en prend à Pierre Dac, le chroniqueur des Français parlent aux

Français sur la BBC parce que c’est un juif qui défend la France de De Gaulle.

Archive : Duel radiophonique, le 10 05 1944 sur Radio Paris Henriot charge

violemment Pierre Dac une des voix de la BBC.

Vidéo : 19 05 1944 Discours d’Henriot devant la statue de Jeanne d’Arc à Lyon.

Miliciens sous l’estrade. (France actualités)

Vidéo France actualités 02 06 44 Henriot au palais de Chaillot.

Le 6 juin, commence le débarquement allié.

Le 7 juin 1944 Henriot rencontre Ribbentrop et Goebbels à Berlin, l’entente est

totale. Henriot veut-il prendre la place de Laval ? Archive presse

Annonce du Débarquement allié sur les côtes normandes, dans l’après-midi du 6

juin 1944, sur la BBC par de Gaulle (radio BBC) archives films US

26Henriot qui est en Allemagne à ce moment- là s’emporte à la radio :

« Ainsi donc, voici, sinon la libération, du moins l’invasion commencée. […] Un

général américain vient de porter la guerre sur le territoire d’un pays avec

lequel le sien n’avait jamais été en guerre. Car la France, qui s’est battue

contre le monde entier au cours de son histoire, qui a affronté toutes les nations

d’Europe, n’avait jamais été en guerre avec les États-Unis. Elle s’était battue

chez eux, pour les aider à chasser les Anglais. Elle les voit aujourd’hui revenir,

à côté de ces Anglais, pour la dévaster. »

Henriot est partout. Il multiplie les discours, les chroniques à la radio. Il tente de

ranimer les énergies des partisans de Vichy, il effraie les Français, les poussant à

attendre, à ne pas soutenir le débarquement.

Montage coup de poing, séquence rapide ambiance guerre civile et la répression

qui s’abat violemment sur les maquis (Glières, Vercors, Mont Mouchet,

Marseille…)

10 juin 1944- Archives filmées 642 habitants d’Oradour-sur-Glane, petit village

de Haute-Vienne, sont massacrés par la division SS « Das Reich ».

LE JOUR J

Alors que les Alliés libèrent la Normandie et que la fin de l’Occupation

approche, la situation de De Gaulle et de la France libre est de plus en plus

fragile. Quelques jours plus tôt, le 28 avril, il s’entretient à Alger avec

l’ambassadeur soviétique pour que Staline l’impose dans les réunions

interalliées.

27Pour les Anglais et les Américains, il n’est pas question que la France retrouve

sa souveraineté immédiatement. Interdit de participer au débarquement, De

Gaulle ne peut fouler le sol français que le 14 juin…

Le COMAC s’impatiente. Où en est l’enlèvement d’Henriot ? Morlot désespère

de pouvoir mener à bien son opération. Le ministre ne vient qu’en coup de vent

à Paris…

Mais le 27 juin, l’informateur prévient : Henriot dort au ministère de

l’Information

MORLOT

« Vers 17h, le concierge me fait passer un message. Il veut que je le

retrouve à 17 heures au caféé de la rue de Bellechasse. J’y vais et il me dit :

D’après ce que je sais, Henriot couche rue Solferino cette nuit. »

Images rue de Solferino la nuit.

Henriot est venu de Vichy pour assister à un conseil des ministres à Paris. Il ne

doit rester que la journée mais le conseil des ministres est repoussé au

lendemain. Il est obligé de passer la nuit au ministère.

Il prend la parole comme à son habitude à la radio. Sa dernière diatribe sonne

comme une ultime provocation.

« Injuriez donc, couvrez-moi de ce que vous appellerez vos outrages. Mais je ne

répondrai plus. S’il y a du sang entre nous, c’est vous qui l’avez versé. On ne

discute ni avec les diffamateurs ni avec les meurtriers. Je vous ai fait trop

d’honneur. Je ne peux pas vous hair parce que je ne hairais qu’un nom que vous

avez sans doute volé. Mais je vous méprise trop pour avoir encore quelque

chose à vous dire. »

28Puis avec sa femme, il accompagne son fils, engagé dans l’armée allemande, qui

reprend le train pour le front, gare de l’Est.

(Photo presse Henriot et sa femme avec son fils devant le train)

Il se rend après au cinéma et regagne son ministère vers minuit. Il renvoie son

garde du corps, qui doit revenir le lendemain matin à 9 heures. Vers une heure

son téléphone sonne mais personne au bout de la ligne.

De son côté, Morlot poursuit ses préparatifs.

MORLOT

« J’ai convoqué mes chefs d’équipes afin qu’ils réunissent leurs hommes.

J’avais prévu que chaque équipe coucherait près de sa base, afin de réduire

les mouvements pendant le couvre-feu. Je donnais mes instructions à mes

principaux collaborateurs et fixais le rendez-vous des équipes rue Las

Cases à 5h25 du matin. Seize hommes en tout avec mitraillettes, dans trois

voitures. Nous avions également prévu des grenades défensives si

l’accrochage était dur. »

2930LA FUITE

Comment les membres du commando ont-ils réussi à neutraliser le service de

sécurité, à s’emparer sans coup férir du ministère ? Comment sont-ils parvenu

jusque dans la chambre d’Henriot sans alerter la Milice ni la police ? Qui a tué

Henriot ?

Presse : Journal France actualités 1944

Le commando s’éclipse sans que l’alarme ne soit donnée et disparaît dans Paris.

Le retentissement de l’exécution d’Henriot est énorme.

Annonce Laval à la radio

« Vous venez tous les jours à la même heure pour entendre la voix de Philippe

Henriot. Vous ne l’entendrez plus. Philippe Henriot a été assassiné ce matin, au

ministère de l’Info, sous les yeux de sa femme. […] Faute de pouvoir répondre à

Philippe Henriot, on l’a fait taire ; faute de pouvoir lui fermer la bouche, on lui

a fermé les yeux. […] Il est tombé ce matin en héros et en martyr. » Archives

Actualités Françaises.

Les Allemands ne sont pas en reste. Radio-Berlin indique qu’il « est tombé pour

l’Europe ». Goebbels, son alter ego nazi lui rend hommage : « Ce n’est pas la

France qui est en deuil, mais toute l’Europe à laquelle Henriot avait consacré

toute sa vie dans sa lutte pour la liberté. »

Archives meeting de Goebbels à Berlin.

Radio Londres annonce la nouvelle, mais reste discrète. Pas de grandes

annonces. Elle préfère parler de l’avancée des Alliés en France.

31Pourtant de Gaulle a gagné. Le message auprès des Alliés et de la population

française est passé : il entend faire payer les responsables.

Presse de la Résistance sur la mort d’Henriot.

Le corps d’Henriot est exposé sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris, des

messes sont dites un peu partout en France, en particulier à Notre-Dame.

Archives, presse, affiches

Vidéo 7 juillet 1944 funérailles nationales d’Henriot.

32La Milice se déchaîne désireuse de se venger. Des dizaines de personnes sont

assassinées. A Lyon, Touvier fait mitrailler sept Juifs.

Presse, archives photos.

Rien ne semble devoir arrêter la fureur des miliciens qui assassinent un ancien

ministre de la IIIe République qu’Henriot n’a cessé d’attaquer à la radio :

Georges Mandel. Comme Jean Zay exécuté quelques jours avant, tous les deux

sont juifs et se sont opposés à Pétain en 1940 qui a préféré signer l’armistice

plutôt que de continuer la guerre en Afrique du Nord.

C’est une véritable politique de terre brûlée qui oblige les pétainistes modérés,

les attentistes et tous les indécis à choisir leur camp. Entre les deux France, la

guerre civile est prête d’éclater.

Presse, photos, archives.

LA CHASSE A L’HOMME

La Milice et la police se lancent dans une vaste chasse à l’homme.

La brigade spéciale chargée de la lutte contre les Résistants mène l’enquête. Le

coup de fil anonyme en pleine nuit les intrigue. Mais la standardiste est mise

hors de cause.

Les gardiens de la paix chargés des rondes autour du ministère sont soupçonnés

de n’avoir rien fait pour empêcher l’attentat. Ils sont punis d’un mois de prison.

La brigade spéciale est rapidement persuadée d’une complicité en interne. Les

inspecteurs cherchent à savoir qui a pu prévenir le commando de la présence

d’Henriot au ministère, qui n’était pas prévue. Ils interrogent le personnel de la

radio, les membres du ministère, les femmes de ménage, le concierge… Celui-ci

ne craque pas malgré plusieurs interrogatoires.

Archives des procès-verbaux de la police, unes des journaux et enquête à travers

la presse.

Mi-juillet, soit quinze jours après l’assassinat, l’enquête de la brigade spéciale

patauge. Ou plutôt les policiers se montrent de moins en moins zélés.

Le pays est en plein chaos. Les Alliés se rapprochent de Paris. La partie est

perdue pour tous les collaborateurs. L’heure est au sauve qui peut. Les membres

de la brigade spéciale semblent plus motivés par préparer leur fuite que

d’aboutir à un résultat.

Morlot reste pendant un temps planqué chez un commissaire de police qui a

senti le vent tourné.

MORLOT

« Après l’opération Henriot, j’habite chez un commissaire de police qui

travaille pour nous. Il est responsable adjoint des commissariats spéciaux

33des gares d’Orsay et d’Austerlitz, et dirige notre équipe de renseignements

des groupes francs. »

Morlot n’a que peu de contact avec ses chefs. Il ne le sait pas mais ceux-ci sont

peu à peu mis sur la touche ou intégrés sous les ordres des représentants de De

Gaulle.

Après s’être imposé face aux Alliés, de Gaulle cherche à contrôler la Résistance.

Le COMAC est mis à l’écart, les résistants doivent rallier les FFI dirigé par le

général Koenig, un homme de De Gaulle.

Frydman lui a été arrêté quelques temps avant l’opération par la police française.

FRYDMAN

« Ils me cognent pour que je parle mais pour eux, c’est clair : “Il ne peut

pas savoir beaucoup de choses, c’est un gamin… ” Deux jours après, ils me

livrent aux Allemands. Mon procès dure un quart d’heure. Il y a un

commandant qui dit : “Celui-là c’est un terroriste, je demande la peine de

mort. – Très bien. Condamné à mort”. On me ramène à Fresnes. »

Mais malgré la chute du régime qui s’annonce, la Milice veut à tout prix

capturer les coupables. Elle promet une prime de 20 millions de francs, une

somme énorme pour l’époque, à qui pourra donner des renseignements sur le

commando.

Archives articles et photos presse collaborationniste et affiches rues.

Deux petits escrocs dénoncent trois membres du commando dans l’espoir de

toucher la récompense. Ils révèlent même le nom du chef du commando :

Morlot.

Les policiers sont donc au courant de qui a monté le coup, mais ne se pressent

de les arrêter. Les miliciens exaspérés prennent les choses en main. Ils tendent

un piège aux trois membres du commando dénoncés. Il s’agit de petits truands

qui ont rallié la Résistance après avoir participé à certains mauvais coups des

miliciens. Pour les attirer, la Milice leur fait miroiter un cambriolage facile et

rémunérateur.

MORLOT

« L’un de mes hommes a une faiblesse et son indiscipline cause sa mort. Il

est tué dans un guet-apens par la milice. »

Le 20 juillet, Darnand annonce triomphalement : « La Milice française a arrêté,

samedi dernier, en plein centre de Paris, la bande qui assassina Philippe

34Henriot. Il s’agit de tueurs payés par l’Intelligence Service, ils avaient touché

une somme de 10 millions de francs pour abattre le secrétaire d’État à

l’Information et à la Propagande. L’enquête se poursuit avec les services de

police. »

L’un des trois truands du commando Morlot est tué lors de l’arrestation, les deux

autres sont arrêtés. Les miliciens qui les gardent les laissent s’évader peu après

dans l’espoir que cette mansuétude leur vaudra la clémence de la Résistance.

L’heure est au retournement de veste, au changement de camp pour tenter de

sauver sa peau…

LA LIBÉRATION ET LE SILENCE

Alors qu’il croit sa dernière heure arrivée, Frydman est emmené par Alois

Brunner pour être déporté. Il s’évade du train pendant le transport vers

Auschwitz. Sa famille, dont sa mère, est déportée à Bergen-Belsen.

FRYDMAN

« Le 11 août, on m’amène dans un préau. Arrive un SS de haut grade qui se

pointe devant nous : “Frydman ! Raus!” C’est Alois Brunner, l’adjoint

d’Eichmann, l’homme en charge de la Solution finale. On part à Drancy.

Là, les SS nous emmènent au train. Ils nous donnent un pain. Au moment

où on sort du camp, il y a quelqu’un, je n’ai jamais su qui c’était… qui

échange son pain avec le mien. Une fois dans le wagon, j’ai ouvert le pain.

Il y a deux limes. Le train part. On lime les barreaux des fenêtres. Je crois

qu’on a été dix-sept à sauter. »

Quant à Morlot, il est sorti de sa cache pour participer aux combats pour libérer

Paris.

MORLOT

« Le premier jour de l’insurrection, je suis blessé en attaquant avec un

groupe franc un détachement allemand du côté de Denfert Rochereau. Je

suis soigné à l’hôpital Léopold-Bellan. C’est d’un lit d’hôpital que

j’entends les cloches des églises qui sonnent le retour de la liberté. »

Morlot s’engage ensuite dans les Forces françaises et part en Indochine avec

Leclerc. Cet éloignement lui permet d’échapper à la vengeance que les partisans

d’Henriot et les anciens collabos continuent de pratiquer contre ceux qui ont

participé à l’exécution du ministre.

35Durant des années, il y a eu un grand silence sur cette opération par crainte que

les anciens du commando soient assassinés par les tueurs de l’extrême droite.

L’exécution d’Henriot tient une place à part dans la mémoire combattante.

Coincée entre le début du Débarquement et la libération de Paris, elle est

souvent minorée bien qu’elle soit un des plus grands succès de la Résistance. On

a beaucoup insisté sur la présence de voyous dans le commando pour ternir

l’action. Exécution, assassinat le choix des termes n’est pas neutre et leur emploi

signale de quel côté penche le jugement : c’est que cette affaire rappelle le

climat de guerre civile qui régnait, alors que l’imagerie officielle voulait que

tous les Français fussent résistants.

Images archives du défilé des anciens résistants en aout 1945-1946.

En 1945, Laval et Darnand, les deux autres principaux dirigeants de Vichy aux

côtés d’Henriot, ceux qui étaient sur la liste de Morlot à exécuter, sont jugés. Les

deux sont condamnés à mort et fusillés.

Images procès Darnand (Archives filmées et presse des procès)

De Gaulle a gagné. Il a écarté les chefs de la Résistance, préside le nouveau

gouvernement français et fait entendre la voix de la France parmi les vainqueurs

de l’Allemagne.

Quant à Frydman et Morlot, ils quittent tous les deux l’armée qu’ils avaient

rejointe au sortir de la Résistance. Chacun poursuit son existence, l’un dans

l’audiovisuel, la presse et le cinéma, l’autre dans l’industrie. Et pendant 70 ans,

36ils conserveront le secret sur cette affaire qui a changé le cours de l’histoire de

De Gaulle et de la France.

37L’équipe du film

JORGE AMAT

Réalisateur et photographe, Jorge Amat a réalisé près d’une vingtaine de

documentaires. Il s’intéresse particulièrement à l’esprit de résistance qu’il

aborde dans L’Espoir pour mémoire, L’Instinct de Résistance, et en particulier

sur la Résistance française : La Voix de Jean Moulin, la Traque de l’Affiche

Rouge, La France des camps, La propagande de Vichy, Les Résistants du Train

Fantôme et Les 7 vies de Madeleine Riffaud. Les filles de Mai 68.

CARL ADERHOLD

Carl Aderhold est écrivain et scénariste. Il a co-écrit plusieurs séries

documentaires diffusées sur France Télévisions : Histoires d’une nation,

l’immigration, Il était une fois l’amour à la française et Histoires d’une nation,

l’école. Il est l’auteur de plusieurs romans, dont Mort aux cons, Rouge et le

Théâtre des Nuits (prix Europe1 GMF).

Suite aux témoignages inédits de Charles Gonard et Jean Frydman, ils ont

ensemble décidé de mener cette enquête historique sur ce fait d’histoire

injustement oublié.

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